L’ Amérique latine face à l’histoire: Le 60e anniversaire de la révolution nationale bolivienne: ces fantômes qui hantent Evo Morales...
Résumé
Le 9 avril 2012, face à une poignée de militants rassemblés sur la place Murillo, le cœur politique de la ville de La Paz, munis de drapeaux roses et reprenant en chœur « viva Paz Estenssoro ! », Johnny Torres, chef du Mouvement nationaliste révolutionnaire (Movimiento Nacionalista Revolucionario, MNR), a prononcé un discours commémorant le 60e anniversaire de la révolution nationale de 1952. En tentant d’établir une relation de continuité avec cette période fondamentale de l’histoire contemporaine bolivienne, oubliée avec ténacité par le discours politique dominant, le dirigeant a insisté sur la dette que le processus politique actuel – dont le point culminant a été l’accession à la présidence de la République d’Evo Morales en décembre 2005 – aurait envers le passé nationaliste révolutionnaire et ses héros. Puis il a pointé du doigt le palais présidentiel, le siège du gouvernement bolivien où étaient logés, selon lui, les « ennemis du MNR », ceux qui « veulent enterrer le mouvement nationaliste ».
Si le discours de Torres accuse quelques relents de propagande, il parvient néanmoins à interroger un parallèle historique stratégiquement oublié par le nouveau parti au pouvoir, un parallèle peu exploré par la littérature académique comme par la prose journalistique. Les « noces de diamant » de la révolution nationale sont une occasion de réfléchir sur un événement qui a marqué l’histoire bolivienne du XXe siècle, à la lumière d’un nouveau tournant – la victoire du Mouvement vers le socialisme (Movimiento al Socialismo, MAS) il y a tout juste sept ans – volontiers défini par ses protagonistes comme « révolutionnaire ». En dehors de ce mot généralement surexploité en Amérique latine, qu’ont en commun la révolution nationale de 1952 et la « révolution démocratique et culturelle » inaugurée en 2005 ? Et pourquoi existe-t-il une apparente réticence à inclure ce précédent historique dans le panthéon de la mémoire politique de la nouvelle gauche bolivienne ?
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